miércoles, 12 de noviembre de 2008

PRETERIT

Toujours fût-il que je me mis activement à la tâche studieuse, laquelle j’exhumais et recommençais, chaque nuit que Dieu eût fait naître. C’était devenu le rituel silencieux et solitaire aux approches de la minuit, lorsque les raies de lumière se couchaient sous les portes, et que résonnaient les pas appuyés du marchand de sable dans les couloirs aveugles de la nuit, inlassable fabricante d’incartades. Il suffisait que s’ouvrît le premier tome de La Recherche, un exemplaire dans une collection in-octavo, à la gerbe sur chiffon de Bruges, pour que se recréât comme la veille ou l’avant-veille, tout un univers en ce guide : le lit, la chambre, la nuit, l’endormissement, voie d’une vie à une autre, les premiers rêves, le train au loin, hors du temps linéaire, le livre avec ses arcades, ses frises et ses arabesques. Comme je n’eus jamais cure des relectures, je lisais et relisais chaque jour les mêmes passages ; et s’il m’eut été possible de changer le temps habituel de l’énonciation, j’eus pris pour moi le célèbre axiome qui disait que lire un livre c’était le créer de nouveau.

La découverte de l’œuvre de Marcel Proust m’exila dans le passé un vendredi, brusquement, sans prévenir. L’oubli figé des choses que je vécus depuis s’était accru, me dépersonnalisant à outrance, et il eut semblé que je courusse tous les jours en quête de mon présent inaccessible, comme après un savon humide qui nous eut échappé des mains à plusieurs reprises, fuyant sans cesse, rapetissant sans jamais sécher, à rebours du vieillissement.

Par la suite, je ne m’étais pas seulement contenté d’écrire au passé, tel était également mon discours en toute compagnie et en toute circonstance, je me surpris plus d’une fois à saluer qui que ce fût par l’expression bâtarde : « Bonjour, ça fut ? », et cela m’arrivait encore aujourd’hui, c’était-à-dire hier. Qu’avais-je donc perdu en chemin qui me fît agir de la sorte ? Que m’était-t-il arrivé ? Où allais-je ainsi ?

1 comentario:

R.P.M. dijo...

Me quedo con lo de "leer un libro es crearlo de nuevo" No hay nunca dos lecturas iguales de un mismo libro aunque las haga el mismo lector. Y La recherche de Proust es de las que siempre tienen una lectura nueva.